L’intrus

L’intrus

Wouan bin qui aurait pu imaginer en cette année 2020, qu’en avançant l’heure on allait se retrouver dans une autre dimension, hors du temps, réalisant que malgré nous, ce n est pas le temps qui passe mais nous qui le traversons. Et voilà que tu arrives sur notre chemin, Covid-19 du monde de l’infiniment petit. Du jour au lendemain, tu chavires le monde entier, tu nous mets hors service, tu nous sépares les uns des autres. Avec toi c’est, dirait-on, un monde fini ou un autre qui commence.

Même si tu rôdes constamment dans les parages, j’ai décidé de ne plus vivre à contretemps. Je prends conscience de ma liberté en confinement. Comme chaque jour est devenu tous les jours, mon passe-temps favori est maintenant de laisser passer le temps, d’avoir du temps, de prendre mon temps, de vaquer à mes travaux quotidiens.

Je remarque tout à coup l’orange, seule sur la table de cuisine, et j’écris ce haïku :
La rondeur
L’imparfaite rondeur
D’une orange

Midi, je vais au jardin, sans masque. Déjà, j’observe un écureuil enjoué sur le poteau de corde à linge, pendant que le chat noir de ma voisine bâille paresseusement, le soleil en pleine face.

Puis, la divine harmonie avec ce silence des fleurs qui poussent, malgré le froid des derniers jours. Personne, il n’y a personne d’autre que moi. Les jacinthes et les crocus de madame Gosselin tissent déjà la couleur du printemps. C’est alors que trois personnes que je ne connais pas s’approchent; j’entends leur conversation. Elles passent à la queue leu leu en respectant la distanciation sociale.
Covid, oui justement, parlons de distance. À ton insu, tu m’as permis de constater que c’est pour cela qu’il faut inventer la juste distance qui permet à l’espace de s’ouvrir, non seulement à soi-même mais aussi aux autres, de vivre instinctivement, d’être, tout simplement.

Je ne suis pas confinée, Covid
Je suis chez moi partout
Où s’étend le ciel
En tout lieu sur cette terre
Je suis chez moi.

Carole Daoust

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