Dans ma rue

Texte lu lors de la soirée ‘Entre voisins’ du 26 août 2021

Après un long détour en lointaine banlieue, je suis rentrée chez moi. 

On me disait : « Tu finiras par revenir. La grande ville, c’est si impersonnel. » 

Pourtant, dans ma rue, les passants me saluent et les voisins s’arrêtent pour un brin de causette. 

Ma rue grouille d’enfants de tous âges. À notre arrivée à Verdun, ceux que nous avons d’abord connus, tout petits dans leurs poussettes, filent maintenant à trottinette. Les voix de certains ont mué, d’autres se sont affirmées. 

Dans ma rue, de jeunes familles se sont installées. On m’offre des baklavas à la fin du Ramadan, un verre de Ricard le quatorze juillet ou des scones faits maison, cuisinés par la maman de trois beaux garçons.

Nos deux petites-filles de cœur, qui nous apportent tant de bonheur, habitent de l’autre côté de ma rue. Leur joyeux « Bonjour Jojo ! » retentit jusque chez moi quand elles m’aperçoivent par la fenêtre. Elles savourent nos gâteries et nous, les précieux moments passés avec elles.

Dans ma rue habitent des personnes seules. Au fil d’une rencontre, nos brèves conversations adoucissent les journées de solitude. Un café offert, une écoute sincère, un sourire ou un geste de la main font parfois la différence. La tristesse ne connaît pas de frontières, ni de classes sociales. Le deuil et la solitude sont les mêmes, quelle que soit l’échelle salariale. Seuls les mots pour le dire, parfois, prennent d’autres intonations.

Ma rue mène au fleuve. Je m’y sens ailleurs, hors du temps et du va-et-vient de la ville. L’odeur de la terre, le chant des oiseaux, la brise du fleuve, le grondement des rapides, la vue imprenable mais toujours renouvelée au fil des saisons sont sources d’apaisement, de recueillement et de ressourcement. 

Au bout de ma rue, au loin, se dressent les tours du centre-ville. Elles me rappellent mon appartenance à Montréal, une grande ville aux dimensions humaines, aux multiples visages, aux accents de partout et aux couleurs du monde. 

Je suis rentrée chez moi. 

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