Texte de Geneviève Leblanc, administratrice aux communications de Demain Verdun
Les 19, 20 et 21 mai derniers s’est déroulé le tout premier Rassemblement du Réseau Demain le Québec (RDQ). Représentant Demain Verdun, mon collègue Michel Pierpaoli (coordinateur du Pôle Solidarité) et moi-même avons rejoint près de 150 participant·e·s au campus Notre-Dame-de-Foy, le temps d’une fin de semaine conçue pour nous inspirer, nous outiller et nous connecter à des initiatives citoyennes de partout au Québec qui sont porteuses de la transition sociale et écologique. À mon avis, ce fut une belle réussite!
Après avoir fait un bref détour par la capitale pour profiter du vendredi après-midi ensoleillé et faire les touristes, Michel et moi avons assisté au premier panel sur L’action citoyenne à l’échelle municipale. Y figuraient Julie Roy, conseillère de la Ville de Montréal dans l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville (et cofondatrice du Réseau Demain le Québec), Raphaëlle Dufresne, coordonnatrice de projets et développement au Centre d’écologie urbaine de Montréal, et Oriana Familiar, présidente et fondatrice du Comité vert de Cowansville. La conversation portait sur le potentiel du trio municipalité-organisme-citoyen·ne·s à amener des changements systémiques à l’échelle locale, et l’échange a produit plusieurs conseils très pratiques. Quelques points saillants:
- Envoyer des courriels et faire des appels téléphoniques aux élu·e·s a généralement beaucoup plus d’impact que de signer une pétition!
- Il est important d’arriver devant le conseil municipal ou d’arrondissement bien préparé·e, et d’aller au-delà de la simple opposition en proposant des pistes concrètes de solutions. Il en va de même pour les budgets participatifs, qui sont une occasion inégalée de faire aboutir un projet qui ne reste qu’à être mis en marche.
- Votre élu·e est déjà un·e allié·e de la cause? Prenez tout de même la parole! L’élu·e a comme tâche de convaincre les fonctionnaires, ce qui est plus facile quand une proposition provient d’un avis citoyen, surtout s’il est amené par plusieurs personnes.
- Pour pérenniser le changement, rien ne bat son inscription dans la réglementation. Ça peut être un combat long et ardu, mais il en vaut la peine.
La journée de samedi a commencé par la projection du court métrage Nimeshkanaminan de Laura Fontaine et Yasmine Fontaine, suivie d’une conversation touchante avec Laura. Émue, elle nous a raconté comment son expérience de portage l’a aidée à se sentir connectée à son territoire, à ses ancêtres et à son identité innue.
A suivi un panel sur La justice environnementale au coeur de la transition, une discussion entre Véronique Lalande de l’Initiative citoyenne de vigilance du Port de Québec, Rémy Chhem de Hoodstock, Jennifer Ricard-Turcotte de Mères au front Rouyn-Noranda, et Melissa Mollen Dupuis, membre de la Nation Innue d’Ekuanitshit (Mingan) et responsable de la campagne Forêts à la Fondation David Suzuki. Les panélistes ont tour à tour défini la justice environnementale comme indissociable de la justice sociale, le droit humain à l’accès à un environnement propre et sain, la solidarité envers les groupes subissant le plus de dommages environnementaux, et une transition culturelle impliquant la décolonisation. Des pistes d’action pour l’atteinte de la justice environnementale ont ensuite été proposées, comme de bien documenter l’état des lieux et diffuser cette information pour conscientiser et mobiliser les gens, d’être visible et vocal·e pour prendre possession du narratif, et de tisser des liens de solidarité avec des groupes dont la mission recoupe la nôtre.
Le reste de la journée de samedi était dédié à des activités au choix. Pour ma part, après avoir participé à l’atelier La mobilisation citoyenne pour la protection des milieux naturels, j’ai profité du bain de forêt guidé par Melissa Mollen Dupuis. Heureux·ses d’un beau temps inattendu, nous avons pris un moment pour nous reconnecter avec nous-mêmes et avec la nature dans le charmant boisé riverain du Lac Saint-Augustin. Nous rappelant d’abord que nous sommes partout en nature, Melissa nous a invité·e·s à confronter l’imaginaire populaire occidental qui dépeint la forêt comme dangereuse et hostile, et à prendre pleine conscience de la pression capitaliste de productivité qui nous empêche d’être vraiment présent·e dans le moment. Dans le même esprit, Melissa nous a sommé·e·s à nous défaire de l’écologisme performatif, qui accorde trop d’attention à cocher des cases pour prouver sa propre vertu et trop peu à développer une vraie relation transformative avec la nature.
Pour mon dernier atelier du samedi, j’ai choisi de rejoindre le cercle de dialogue (que nous avons également choisi de faire dans le boisé), mené par Véronic Dufour de Croque ton quartier selon l’approche de David Bohm. Non pas une conversation, il s’agissait plutôt d’un espace de partage où chacun·e était libre de prendre la parole avec une pensée ou une émotion, pour recevoir en retour une écoute attentive, bienveillante et silencieuse. Faire preuve d’authenticité dans ce contexte était à la fois vulnérable et sécurisant. Au fil des partages s’est développé une aura de compréhension et de solidarité, et nous en sommes ressorti·e·s dans la sérénité et la bonne humeur.
Dimanche matin, pour clore l’événement sur une note ludique, toutes et tous ont participé à un exercice de récit collectif animé par les Conteurs à gages Félix Morissette et Étienne Laforge, et facilité par Marie LaRochelle, coach pour les organisations à vocation sociale. Nous nous sommes d’abord attablé·e·s en petits groupes selon les rôles possibles aux sein de l’écosystème de changement social du modèle de Deepa Iyer. Puis, chaque groupe a reçu comme mission de définir une facette d’un personnage de légende, qui devait être emblématique du Réseau Demain le Québec. (Mon groupe, les Tisseur·euse·s, a imaginé l’écosystème, la communauté, l’alimentation et les rites d’un personnage du nom de Portage.) Les multiples facettes – aussi uniques étaient-elles – ont ensuite été présentées à toute la salle comme faisant partie d’un même récit. Les résultats étaient surprenants, souvent farfelus, et parfois un peu décousus; mais ce qui en est surtout ressorti, c’est à quel point les imaginaires présents se ressemblaient. Par le conte, nous avons pu pleinement apprécier ce que nous avions en commun: nos valeurs, nos idéaux, nos pires craintes et nos espoirs les plus fous pour le mouvement de la transition socio-écologique.
De l’ouverture à la clôture de l’événement, j’ai bel et bien senti les ondes en résonance parmi l’ensemble des participant·e·s. Des nombreuses conversations auxquelles j’ai pris part et assisté, quelques sujets étaient sur toutes les lèvres. D’abord: à quel point il faisait bon de se retrouver en personne et d’avoir des discussions spontanées, particulièrement sur un aussi beau site. J’étais loin d’être la seule à profiter des activités permettant de “jouer dehors”, à travers lesquelles nous avons pu nous recentrer sur la raison première derrière notre engagement citoyen: un amour de la nature et du vivant.
D’ailleurs, je tiens à souligner l’attention portée au self-care dans la programmation, avec une plage dédiée à des activités de détente et de divertissement comme le yoga, la course ou les jeux de société. Justement, un des sujets les plus souvent répétés au cours de la fin de semaine était celui de la fatigue militante, de l’épuisement activiste et du besoin criant de prendre le temps de souffler un peu.
Un gros merci à l’équipe du RDQ – Alexandre, Chloé, Dalie et Mathieu – d’avoir rendu possible cette fin de semaine revitalisante. J’en suis ressortie avec bon espoir que notre pouvoir collectif peut faire changer les choses, et que d’ici à la transition réussie, nous saurons nous appuyer les un·e·s sur les autres dans nos luttes et dans nos victoires.
En espérant qu’on va se revoir bientôt!