Je travaille dans la santé, parmi le personnel administratif.
Tous les jours de la semaine, je passe au triage. Dans une tente érigée devant mon hôpital, des infirmières me posent jour après jour les mêmes questions sur des symptômes potentiellement suspects.
Chaque jour, je reçois un masque que je dois porter lorsque je me retrouve à moins de deux mètres de ma collègue de bureau et, en tout temps, lorsque je sors de ce bureau. Avec mes lunettes, j’ai constamment de la buée qui m’aveugle… alors je choisis, entre voir tout embrouillé avec un masque et voir… tout embrouillé sans mes lunettes.
Tous les jours, ma collègue et moi regardons le tableau des cas COVID suspects, confirmés positifs, hospitalisés et décédés dans notre hôpital. Pour le moment, l’hôpital redirige tous les cas positifs vers les centres désignés. Ouf !
Tous les vendredis, ma collègue et moi nous taquinons sur nos projets pour le week-end. Pour elle dont les enfants sont à la maison en permanence, c’est le jour de la marmotte. Pour moi, selon ses critères, j’innove constamment.
Chaque semaine, je cuisine une soupe différente. Une soupe repas, une soupe en entrée, une soupe borscht, une soupe au pistou, une soupe pour intégrer des légumineuses, pour intégrer du chou, des légumes de saison, une soupe miso… Le concept de la soupe semble infini ! Je cherche sur Pinterest les recettes qui ont le plus d’étoiles et qui sont les plus appréciées des internautes. 200 votes de 5 étoiles, ça ne peut pas mentir ! Chaque semaine, je cuisine ma soupe et la partage entre mon mari et moi, et deux voisins et amis à qui je laisse un pot devant leur porte d’entrée, distanciation sociale oblige. Parler et entendre parler de mes soupes, ça me change les idées de parler et d’entendre parler de COVID, omniprésent à mon travail, dans le journal, à la radio, sur le net, dans les réseaux sociaux, dans mon cercle d’amis et de famille.
Lorsque cette période de confinement aura pris fin, j’aimerais pouvoir dire que j’ai élargi mon répertoire culinaire, que pendant cette période, j’ai pu jouer avec des saveurs et des couleurs, que j’ai reposé mon esprit, en vivant au présent, en en appréciant chaque bouchée…
Ma collègue et moi réalisons parfois que nos seuls sujets de conversations actuels tournent autour de la bouffe. Comme elle me le répète parfois, lorsqu’elle vit une journée à la fois, à prévoir les repas de la semaine, par exemple, elle ne panique pas. Elle oublie même cette période étrange que nous vivons.
Alors je vais continuer à cuisiner et à parler de projets de bouffe, parce que ça me rend heureuse… et elle aussi !
Emma