Derrière ma fenêtre, les jours se suivent et se ressemblent.
Réveil, déjeuner, café.
Lecture, compilation, rédaction.
Envoi, courriel, appel.
Je travaille de la maison.
À mon poste, chaque jour.
À mon bureau improvisé dans le salon.
Ma vie d’ermite doctorante a migré, de bibliothèque en café, pour s’installer résolument dans cet espace de 144 pieds carrés. Sur la même chaise. Occupée à réfléchir à la vie en ville, à ses dynamiques, à la manière dont les gens s’approprient l’espace urbain et se le partagent, je suis désormais captive d’un espace réduit, tandis que mes semblables ne s’approprient plus rien, que l’urbain cesse d’être dynamique et que la ville vit moins que jamais.
Et par la fenêtre, j’ai vu passer les heures, les jours et les saisons. De mars en mai. Cet aujourd’hui, jour 61 de mon confinement, est le même que le premier. Depuis ce vendredi 13 de mars, je suis ici, sur cette même chaise droite. Et passe le temps. À regarder la vitre de mon écran. La vitre de ma fenêtre.
La vie se passe, comme les passants défilent. Sous ma fenêtre, l’un et l’autre circulent. Tantôt sous la neige, tantôt sous la pluie, tantôt sous le soleil. Tantôt en manteau, tantôt en short, tantôt masqué. Moi derrière ma fenêtre. L’autre derrière son masque. Double barrière, double distance.
Et tapent les lettres sous mes doigts. Et glissent les mots sous mes yeux. Et passent les heures, les jours et les saisons. Et dans un an, ermite doctorante, passeront les lettres, les mots et les heures sous mes yeux, derrière la même fenêtre, sur la même chaise, jour après jour, heure après heure, saison après saison.
Ariane Perras